J'étais un candidat idéal pour la médecine familiale. J'avais eu d'excellentes notes au secondaire, je m'en sortais bien à la faculté et j'avais excellé au MCAT. Les études de médecine me semblaient faciles. Je faisais preuve de compassion envers les autres et j'étais d'un naturel généreux, toujours présent pour mes patients. Durant ma résidence en médecine à Brooklyn, dans l'État de New York, j’ai repoussé les limites de mon corps et privilégié mon intellect.
Durant ma troisième année de pratique de la médecine familiale à temps plein, en suivant mes propres patients de la clinique à l'hôpital Surrey Memorial, j’ai atteint un état d’épuisement total qui s’est manifesté par des douleurs physiques sous forme d'arthrite inflammatoire, d'enthésite et de dactylite. Mon corps réclamait l'attention et le repos dont je l'avais privé pendant près d'une décennie de formation et de travail. Les membres de mon équipe de soins infirmiers me faisaient remarquer à quel point « j’habilitais » mes patients au détriment de ma propre santé, mais je refusais de reconnaître la sagesse de leurs paroles.
« Durant ma troisième année de pratique de la médecine familiale à temps plein[...] j’ai atteint un état d’épuisement. »
J'avais beau connaître l'importance du repos et d'une alimentation saine pour la santé - c'est d'ailleurs ce que je prêchais à mes patients -, en mon for intérieur, je crois que je ne pensais pas mériter de bons soins. Je pense qu'une grande partie de ma nature « généreuse » était motivée par un profond désir d'être apprécié par ceux que j'aidais et d'être utile. J'essayais de satisfaire mon désir d'être utile en me surmenant pour servir les autres. J'avais le sentiment pervers que je devais sauver certains de mes patients, que si je n'étais pas là pour eux, ils allaient en quelque sorte périr. J’avais grand besoin de travailler sur mon estime de moi.
Mon corps m'a forcé à ralentir la cadence. Un médecin de famille bienveillant, le Dr Singh, et un rhumatologue attentionné, le Dr Khayambashi, m'ont offert des espaces de réflexion sûrs. Alors que je commençais à prendre des médicaments bio et que je me déplaçais en boitant d'une salle d'examen à l'autre dans ma clinique et que j’utilisais un déambulateur quand j’étais chez moi en compagnie de mes enfants, j'ai pris le temps de réfléchir à la façon dont je m'étais retrouvé dans une situation où, à peine âgé de 40 ans, j'étais déjà presque handicapé. J’avais surestimé mes limites d'énergie. J'avais choisi de prendre la responsabilité des souffrances des autres et choisi d'être responsable du bien-être financier et social de mes patients. J'ai essayé de faire tout cela seul, en martyr idiot d'une cause invisible. J'ai compris que si je voulais être un meilleur médecin, je devais m'efforcer de me fixer des limites plus raisonnables.
J'ai réalisé que pour assurer la viabilité de ma pratique médicale, je devais demander de l'aide. Je devais commencer à faire confiance à mes assistants pour m'aider dans les tâches les plus complexes. Je devais demander à mes collègues de me remplacer. Je devais en apprendre davantage sur la gestion d'équipe. J'avais besoin d'en savoir plus sur la science du travail d'équipe. Je devais fixer des temps de pause précis durant mes journées de travail et prévoir la préparation des repas et la pratique régulière d'exercices.
J'ai fait appel à la formatrice Nathalie Martinek, que je considère comme une spécialiste de l'épuisement professionnel. L'un des principes du coaching est que les gens sont capables de croissance, de changement et d'amélioration bien plus que nous ne pouvons l'imaginer. J'ai appris que si, en tant qu'aidants bien intentionnés, nous allons trop loin, nous pouvons ralentir le parcours de l'autre dans sa découverte de soi.
En apprenant à faire confiance aux membres de mon équipe, à mes collègues et à mes patients, j'ai lentement compris que ma valeur personnelle n'était pas liée à mon degré d'abnégation pour aider les autres. J'ai appris à croire que cette valeur est immuable, inchangeable et intrinsèque. Aujourd'hui, dans ma 18e année en tant que médecin, je n'ai plus de douleur depuis plus de 6 ans. J'aime m'entraîner et exceller en jiujitsu brésilien et apporter aux autres une aide durable en tant que pair mentor et médecin de famille.