Récemment, j'ai donné une présentation intitulée « Why Wellness Interventions Don't Work » (Pourquoi les interventions en faveur du bien-être ne fonctionnent pas), afin de déterminer comment la culture médicale pouvait créer des obstacles au bien-être. Dans la foulée, nous avons réuni un groupe de plus de 30 médecins qui ont participé à un atelier virtuel afin de réfléchir à la culture de la médecine et aux attentes qu’ils avaient intériorisées.
Tout d'abord, nous avons commencé par reconnaître comment les idées préconçues sur la médecine, par exemple « Les médecins ne font pas d'erreurs », « Les médecins ne se plaignent pas », « Les médecins travaillent jusqu'à ce que le travail soit fait », sont assimilées au cours de la formation médicale. Ces idées sont intrinsèquement liées à l'identité d'une personne, par exemple : « Je ne fais pas d'erreurs », « Je ne me plains pas », « Je travaille jusqu'à ce que le travail soit fait ». En discutant de leur milieu de travail, les médecins ont donné de nombreux exemples de manquement à ces règles, ce qui entraîne des sentiments de honte et une perte d'efficacité. Si les valeurs de la médecine consistant à travailler dur et à viser la perfection ne sont pas « mauvaises », elles sont idéalistes. Comme l'étoile polaire, les principes sont censés nous guider. Cependant, lorsque l'idéal est intériorisé, par exemple « Je suis l'étoile polaire », nous sommes voués à l'échec. Lorsque nous ne parvenons pas à atteindre l'impossible, nous disons « C'est ma faute », et c'est ainsi que cette culture prend racine en nous.
Ensuite, au cours de l'atelier, nous avons examiné ce qu'il en coûte de suivre des normes irréalistes. C'est là que les participants ont commencé à exprimer leurs émotions. Certains se sentaient tristes à cause du manque d'énergie qu'il leur restait pour leur famille, d'autres étaient en colère à cause des sacrifices qu'ils avaient faits, et certains admettaient pour la première fois le poids de leur épuisement. Il y a eu des soupirs de soulagement lorsque les témoignages ont été traités collectivement. Les participants ont pris conscience qu'il n'était peut-être pas nécessaire d'en arriver là, que le prix à payer pour tout donner était peut-être trop élevé et qu'il fallait peut-être trouver de nouveaux moyens. Plus une personne partageait, plus les autres se mobilisaient pour la soutenir. Contrairement à ce que nous craignons, les émotions ne sont pas synonymes de faiblesse. Les émotions sont « l'énergie en mouvement », elles créent la dynamique du changement. Les émotions ne mentent pas, mais des idéaux impossibles à atteindre nous empêchent de les écouter.
« Contrairement à ce que nous craignons, les émotions ne sont pas synonymes de faiblesse. »
Ensuite, j'ai posé la question suivante aux participants : « Quand vous considérez avoir fait de votre mieux aujourd'hui, que remarquez-vous? La tristesse et l'épuisement se sont transformés en sentiments plus légers. Une personne a mentionné la « fierté », une autre s'est exclamée « j'ai fait du bon travail aujourd'hui », une autre encore a dit « je respire mieux quand je pense au bien que j'ai fait », une autre encore a dit « nous avons besoin de plus d'affirmations positives quant à ce que nous FAISONS ». En prenant conscience qu'ils sont humains et imparfaits, les participants ont compris qu'il en allait de même pour les systèmes au sein desquels ils évoluent. Comme si un interrupteur s'était allumé, les solutions qu'ils ont eux-mêmes trouvées ont commencé à surgir! Des idées sur la façon d’établir des limites, de donner la priorité à la prise en charge de soi et de maîtriser la complexité ont commencé à émerger. Même au sein de cet espace virtuel, on pouvait ressentir une chaleur et une connexion authentiques, et certains ont versé quelques larmes alors qu'ils laissaient entrer un peu de cette chaleur.
À la fin de la session, les participants ont exprimé leur reconnaissance et leur satisfaction pour le caractère réel de cette expérience et les liens qu'elle a créés. D'une certaine manière, grâce au processus de reconnaissance de la réalité, les participants ont commencé à voir que le changement est possible et peut commencer de l'intérieur. Ils ont réalisé que les émotions sont loin d'être l'ennemi et que le contact avec autrui était ce qui manquait. Ils ont lancé des appels pour trouver un moyen de ritualiser ce type de partage et ont exprimé le désir d'honorer ceux qui ont travaillé dans le domaine de la médecine lorsque l'heure de la retraite aura sonné.
Le degré de vulnérabilité démontré était inattendu et pourtant profondément réparateur. J'ai le sentiment que, lorsque nous créons un environnement psychologiquement sûr, des miracles peuvent se produire, des récits peuvent être racontés et les émotions peuvent circuler. Lorsque nous faisons briller une lumière dans l'obscurité, nous reconnaissons notre douleur ET nos forces collectives. Le pouvoir de voir ce qu'il y a de bon en nous et chez les autres redonne à l'humanité sa place dans la culture de la médecine.